Créer ses propres pigments naturels pour une peinture plus écologique

Créer ses propres pigments naturels pour une peinture plus écologique

Pourquoi fabriquer ses propres pigments naturels ?

Dans un monde où l’on questionne de plus en plus les composants de nos produits du quotidien, la peinture n’échappe pas à la règle. Que ce soit pour embellir un objet en argile, une toile, ou une vieille commode prête à renaître, fabriquer ses propres pigments naturels n’a jamais été aussi pertinent. Et si on remettait les mains dans la terre – littéralement – pour retrouver le lien direct entre la matière première et la couleur ?

Créer ses pigments, c’est faire un pas vers une pratique artistique plus écologique, plus consciente… et, disons-le franchement, beaucoup plus gratifiante. C’est aussi renouer avec l’histoire : nos ancêtres – artisans, peintres, potiers – savaient transformer les ressources directement accessibles en nuances éclatantes. À notre tour de les réveiller !

D’où viennent les pigments naturels ? Un voyage dans la matière

Un pigment naturel est une substance colorante extraite d’une matière organique ou minérale. Le sol, les plantes, les coquilles d’œufs, ou encore certaines baies contiennent des particules capables de teinter durablement un support. La magie ? C’est qu’on peut en trouver presque partout autour de nous.

Quelques exemples inspirants :

  • La terre d’ocre : Utilisée depuis la préhistoire, elle offre une belle palette de jaunes, rouges et bruns, selon sa teneur en fer.
  • Le chou rouge : Transformé en teinture, il donne du violet ou du bleu selon le pH du mélange. Presque alchimique, non ?
  • Le charbon végétal : Réduit en poudre fine, il fournit un noir profond, parfait pour les contrastes.
  • La spiruline : Oui, l’algue verte. Riche en chlorophylle, elle donne un vert vif lorsqu’elle est bien travaillée.

En bonus : ces pigments, une fois maîtrisés, sont biodégradables, non toxiques et souvent beaucoup moins polluants à produire que leurs équivalents synthétiques.

Les bases techniques pour débuter

Assembler un pigment naturel, ce n’est pas jeter une poignée de terre sur une toile en espérant un chef d’œuvre. Il y a quelques règles de base à connaître pour obtenir des résultats durables et utilisables en peinture.

Voici les étapes essentielles :

  • Extraction : Réduire la matière naturelle en poudre (sèche) ou en jus concentré (humide).
  • Filtration : Éliminer les impuretés. Un tamis fin ou une étamine peut vous sauver des grumeaux disgracieux.
  • Séchage (si nécessaire) : Certains pigments s’utilisent une fois déshydratés, surtout les poudres minérales.
  • Mélange avec un liant : Le pigment seul ne tient pas. On y ajoute un liant (gomme arabique, huile de lin, œuf – selon la technique choisie) pour obtenir une peinture stable.

Ce n’est pas plus compliqué que de faire une soupe, sauf que là, vous peignez avec !

Quelques recettes artisanales simples

Pour tester, rien de mieux que des recettes concrètes à faire chez soi. Voici trois mélanges accessibles, testés (et approuvés) à l’atelier :

  • Peinture à l’ocre : Mélangez 1 volume de poudre d’ocre avec 1 volume d’eau, puis ajoutez 1 volume de colle naturelle (colle de farine ou colle de peau). Option déco : une cuillère de miel pour amener de la souplesse.
  • Peinture à l’œuf (tempera) : Battez un jaune d’œuf frais, ajoutez une pincée de sel, puis incorporez votre pigment naturel en poudre jusqu’à obtenir une pâte lisse. Cette ancienne technique offre une excellente tenue et un fini mat unique.
  • Encre végétale au chou rouge : Faites bouillir des feuilles de chou rouge, filtrez, laissez réduire doucement pour obtenir une teinte intense. Ajoutez quelques gouttes de vinaigre (pour du rose) ou une pincée de bicarbonate (pour du bleu). Attention : à utiliser rapidement !

C’est aussi l’occasion d’expérimenter avec les enfants : un atelier pigment maison, c’est un moment de création, mais aussi de découverte tactile, visuelle et sensorielle.

Où trouver ses matières premières ?

Bonne nouvelle : vous n’avez pas besoin d’une expédition dans l’Himalaya pour trouver vos pigments. Quelques suggestions issues de notre propre expérience :

  • Jardin et nature : Terre argileuse, plantes tinctoriales (persicaire, gaude, calendula), baies (mûres, sureau)… prenez votre panier et partez explorer.
  • Épicerie : Curcuma, paprika, café moulu, spiruline, charbon actif, betterave : des colorants à portée de cuisine.
  • Bricolage recyclé : Les cendres de bois pour le gris, les pelures d’oignon pour l’orange, la rouille sur fer ancien pour le rouge sombre… tout est matière à pigment si on sait l’observer.

Petite astuce Atelier Salence : pensez à sécher et conserver vos poudres de pigments dans de petits bocaux bien étiquetés. Ils se conservent parfois plusieurs années, prêts à l’emploi !

Les limites et subtilités à connaître

Comme toute chose artisanale, la fabrication maison de pigments a ses défis. Toutes les teintes ne sont pas aussi faciles à obtenir, et la stabilité peut varier selon les supports ou la lumière. Par exemple, certains bleus végétaux s’affadissent avec le temps (coucou, le chou rouge sans fixateur !), alors que les ocres ou les noirs tiennent des siècles.

C’est une pratique vivante, qui demande des essais, des erreurs, un peu de science, beaucoup de patience… et autant de créativité. Mais à l’Atelier, on aime quand rien n’est prémâché. Cela rend chaque œuvre unique, comme un fragment de paysage capturé dans la matière.

Une démarche alignée avec la permaculture et la santé

Réaliser ses pigments naturels, c’est beaucoup plus qu’une alternative technique. C’est une démarche permacole : on observe, on utilise ce que le lieu offre, on respecte les cycles. Plutôt que d’acheter une peinture industrielle pleine de solvants, vous choisissez une couleur née de votre jardin ou de votre composteur. Rien de plus local.

Et niveau santé ? Moins de risques d’allergies, pas de vapeurs nocives, une meilleure connaissance des composants sur vos pinceaux. Ça change tout, surtout si vous créez avec des enfants, en intérieur, ou sur des supports sensibles.

Une nouvelle palette pour nos loisirs créatifs

Peinture décorative, fresque murale, carnets d’aquarelle, sculpture peinte à l’argile… Les pigments naturels s’adaptent à bien des projets. Ils apportent une texture, une transparence et une authenticité difficilement imitables. Chaque teinte raconte une histoire : le lieu d’où elle vient, la saison, la main qui l’a préparée.

Créer devient alors un acte de réciprocité avec son environnement. On se met à guetter la terre après la pluie pour prélever un peu d’argile, on récolte les feuilles fanées en pensant à leur potentiel chromatique. Bref, on regarde autour de soi autrement.

Et si c’était le moment d’essayer ?

Vous n’avez pas besoin d’être chimiste ou artiste confirmé·e. Juste de la curiosité, deux-trois ustensiles, et l’envie de faire autrement. L’important, c’est d’expérimenter : une couleur ratée aujourd’hui deviendra peut-être la base d’un chef-d’œuvre demain.

Alors, la prochaine fois que vous vous retrouvez avec de la terre rouge collée sous les semelles ou une betterave oubliée dans le bac à légumes… pensez pigment ! Le monde est une palette, à vous de la révéler.

Envie de vous lancer ? Roxanne Lefèvre vous accompagne dans cette redécouverte sensorielle avec des tutoriels et des ateliers partagés bientôt sur le blog. Restez à l’écoute, vos pinceaux risquent de reprendre du service très bientôt !