Fabriquer ses propres pigments à base de terres naturelles pour peindre

Fabriquer ses propres pigments à base de terres naturelles pour peindre

Une aventure pigmentaire à portée de main

Et si votre prochaine œuvre prenait vie grâce aux couleurs de votre propre jardin, des sentiers forestiers ou d’un talus sablonneux ? Fabriquer ses propres pigments à base de terres naturelles n’est pas seulement une activité passionnante ; c’est aussi un retour aux sources, un lien presque spirituel avec notre environnement. À l’Atelier Salence, nous aimons les projets où les mains s’imprègnent de la matière, et celui-ci coche toutes les cases : simple, gratifiant, et profondément enraciné.

Pourquoi fabriquer ses pigments soi-même ?

Avant tout, pour le plaisir de mieux comprendre ce que l’on utilise et d’en maîtriser la composition. Beaucoup de peintures commerciales contiennent des adjuvants, des solvants ou des pigments synthétiques dont la provenance est rarement claire.

Utiliser des terres naturelles, c’est opter pour une palette « vivante », aux teintes changeantes, nuancées, empreintes du terroir. Imaginez : une peinture murale ocre extraite de la glaise de votre potager, ou une aquarelle inspirée d’une promenade automnale… Cela donne une dimension profondément personnelle et locale à vos créations.

Qu’est-ce qu’un pigment naturel issue de terre ?

Un pigment, c’est une matière colorante insoluble. Dans le cas des terres naturelles, il s’agit de particules minérales fines, comme l’argile, la silice ou les oxydes de fer, que l’on réduit en poudre pour en extraire leur couleur. Ces terres peuvent être jaunes, rouges, brunes, ou même vertes, selon leur composition géologique.

Le saviez-vous ? Le célèbre « jaune d’ocre » de Roussillon provient de la concentration en goethite, un oxyhydroxyde de fer. En Belgique, certaines régions argileuses recèlent également des trésors colorés à portée de main.

Où trouver la terre pigmentaire ?

Pas besoin de traverser la France pour collecter de l’ocre ! De nombreuses terres locales suffisent amplement à créer une belle palette. Voici quelques endroits à explorer :

  • Les bords de chemins ou talus fraîchement érodés.
  • Les fonds de rivière ou ruisseau (attention aux propriétés privées).
  • Les anciennes briqueteries ou carrières abandonnées.
  • Votre propre potager si la terre y est argileuse ou riche en fer.

Munissez-vous d’une petite pelle, d’un seau, et surtout : demandez toujours l’autorisation avant de prélever dans des terrains privés ou protégés.

Le matériel nécessaire

Avant de devenir l’alchimiste des couleurs, préparez un coin de votre atelier avec un minimum d’équipement. Rien de coûteux, et vous avez certainement déjà la plupart de ces outils :

  • Une pelle ou un couteau de jardin pour l’extraction.
  • Des bocaux en verre ou pots de confiture pour stocker vos pigments.
  • Un tamis fin (type passoire ou filtre à café métallique).
  • Un mortier et pilon (les amateurs de cuisine sont servis !) ou un moulin à café manuel.
  • De l’eau, une bassine, et un linge ou filtre pour la décantation.

Et bien sûr, de vieux vêtements… car oui, se salir fait partie du charme de la démarche.

Étapes de fabrication d’un pigment brut

Transformer une terre brute en pigment peut sembler complexe, mais le processus est en réalité très intuitif. Voici les grandes étapes :

1. Séchage

Après la collecte, laissez sécher votre terre à l’air libre sur un carton ou dans une cagette, à l’abri de la pluie. Cela facilitera le broyage par la suite.

2. Broyage

Une fois sèche, écrasez la terre dans un mortier pour obtenir une poudre grossière. Si des cailloux ou morceaux de racines subsistent, vous pourrez les éliminer lors du tamisage.

3. Tamisage

Passez votre terre broyée au tamis pour ne conserver qu’une poudre fine. Cette étape est primordiale pour une application homogène et agréable.

4. Lavage et décantation

Mélangez la poudre obtenue avec de l’eau dans une bassine. Remuez bien, puis laissez reposer. Les particules les plus lourdes (sables, graviers) vont tomber au fond, tandis que les plus fines resteront en suspension. Versez cette eau colorée dans un autre récipient et laissez-là reposer de nouveau. Après quelques heures, vous pourrez récupérer la pâte qui s’accumule au fond : votre pigment !

5. Séchage final

Etalez cette pâte sur un linge ou une assiette et laissez sécher complètement avant de stocker votre pigment en pot. Il se conservera des années, au sec et à l’abri de la lumière.

Et ensuite ? Fabriquer sa peinture

Avoir un pigment, c’est bien. Mais pouvoir l’utiliser, c’est encore mieux. Vous pourrez fabriquer plusieurs types de peintures naturelles :

La gouache ou aquarelle

Mélangez votre pigment avec de la gomme arabique (disponible en poudre ou liquide), de l’eau, et une pointe de glycérine pour éviter que la peinture ne craquèle en séchant. Cette préparation est parfaite pour les illustrations ou carnets botaniques.

La peinture à la caséine

À base de lait, cette peinture écologique et très couvrante est idéale pour les supports bois. Elle nécessite un liant à base de caséine, que l’on obtient facilement à partir de lait caillé, de chaux et d’un peu de pigment.

La peinture à l’huile

Pour les artistes plus expérimentés, on peut intégrer les pigments à des huiles végétales comme l’huile de lin, avec ou sans cuisson, selon le rendu souhaité.

Un geste durable et poétique

Ce que l’on aime dans cette démarche, ce n’est pas uniquement la satisfaction de « faire soi-même ». C’est aussi tout l’imaginaire qui en découle. Chaque pigment porte l’histoire du sol dont il est issu. Ils deviennent des fragments de paysage, des souvenirs cristallisés sur la toile ou le bois.

Pour celles et ceux qui cultivent déjà leur potager en permaculture, ou qui façonnent des objets en argile, cette démarche vient naturellement s’ajouter aux plaisirs simples de la transformation et du lien à la matière.

Quelques astuces glanées dans l’atelier

  • Gardez toujours une trace des lieux de collecte, car la teinte peut varier énormément d’un mètre à l’autre.
  • Testez vos pigments sur différents supports avant d’en faire un usage plus large.
  • Ne jetez pas les terres inutilisables : elles peuvent servir de base à un enduit naturel dans d’autres projets décoratifs.
  • Si la poudre est trop volatile, un petit masque peut protéger vos poumons pendant la manipulation.
  • Créez un nuancier maison à l’aquarelle : rapide, joli, et très utile pour vos futurs mélanges.

L’art de ralentir et de (re)trouver la couleur

Fabriquer ses pigments naturels, c’est finalement se donner le temps. Celui de l’observation, de l’expérimentation, du tâtonnement heureux. Chaque tentative devient une micro-aventure. Vos œuvres, même modestes, porteront ce supplément d’âme qu’aucun tube de peinture ne peut offrir.

Et vous, quelle couleur rêveriez-vous d’extraire de votre environnement ? Peut-être avez-vous déjà croisé une glaise rouge au détour d’un sentier, sans y prêter attention. La prochaine fois, arrêtez-vous. Qui sait, vous tenez peut-être entre vos doigts la nuance qui colorera votre prochaine création.

Bonnes récoltes et belles explorations !