Façonnage de bols en argile : apprendre le tournage pas à pas

Façonnage de bols en argile : apprendre le tournage pas à pas

Pourquoi le tournage en poterie fascine autant ?

Tourner l’argile… Ces mots évoquent à la fois calme, lenteur et précision. Ceux qui ont déjà plongé leurs mains dans la terre humide savent combien ce geste ancestral est à la fois apaisant et exigeant. Le façonnage de bols par tournage n’est pas uniquement un acte créatif, c’est aussi une manière subtile de ralentir le temps, de se reconnecter à soi et à la matière. Sur l’instant, l’argile devient un prolongement des gestes, révélant les aspérités de notre concentration… ou de notre agitation !

Dans cet article, je vous propose de découvrir pas à pas les bases du tournage, pour créer vos premiers bols en argile. Que vous soyez débutant·e ou simplement curieux·se, l’idée est de vous guider de manière simple et concrète, fidèle à l’esprit de l’Atelier Salence : apprendre avec les mains, et le cœur.

Quel matériel pour débuter le tournage ?

Pas besoin de transformer votre salon en atelier de céramiste pour débuter, mais quelques outils de base sont essentiels :

  • Un tour de potier : électrique ou manuel. Pour les débutants, un petit modèle électrique (on en trouve dès 200€) fait très bien l’affaire.
  • De l’argile adapté au tournage : souvent, la faïence ou le grès lisse font l’unanimité pour apprendre.
  • Quelques outils simples : une mirette, une estèque (en bois ou métal), une éponge, un fil à couper, une aiguille de potier et… vos deux mains.
  • Un seau d’eau : toujours à portée pour humidifier la terre et nettoyer vos mains.

Envie de tester sans investir ? De nombreux ateliers (même sur un week-end) prêtent le matériel. C’est l’idéal pour sentir si la magie opère… ou pas.

Le centrage : la clef du tournage

Avant de sculpter, il faut « apprivoiser » la terre. Le centrage est l’étape fondatrice. Il s’agit d’harmoniser votre boule d’argile sur le centre du tour. Dit comme ça, ça semble simple. En réalité, c’est l’étape la plus technique pour les débutants.

Voici le geste de base :

  • Humidifiez bien vos mains et le plateau du tour.
  • Posez vigoureusement votre boule d’argile au centre du tour (n’hésitez pas à taper, littéralement).
  • Démarrez le tour à bonne vitesse (rapide pour le centrage), ancrez vos coudes sur vos cuisses et poussez la terre vers le centre tout en la montant (mouvement dit de « montée de cône »).
  • Ensuite, redescendez la masse en la contrôlant. Répétez ce va-et-vient plusieurs fois.

Votre boule doit tourner sans secousse ni vibration. Elle est alors prête pour la mise en forme. Un petit défi physique et mental, mais ô combien satisfaisant quand le silence s’installe entre vous et la terre.

Creuser et monter les parois

Une fois la terre centrée, on entre enfin dans le vif du sujet : le façonnage de votre bol !

  • Creuser l’intérieur : appuyez délicatement avec vos pouces au centre de la boule pendant que le tour tourne. Allez doucement et vérifiez régulièrement l’épaisseur du fond (environ 1 cm pour un bol standard).
  • Élargir l’intérieur : avec les pouces, ouvrez l’espace progressivement en élargissant vers l’extérieur.
  • Monter les parois : pincez légèrement la base des parois avec vos doigts (un dedans, un dehors) et remontez doucement jusqu’au bord, tout en moulant doucement la forme. Maintenez une pression régulière. Faites plusieurs passes plutôt qu’un seul grand geste.

Petit conseil : l’argile aime la patience et la régularité. Si votre bol se décentre, mieux vaut s’arrêter, recentrer… ou réessayer. Et si accident il y a ? Mauvaise nouvelle : il y en aura. Bonne nouvelle : vous apprendrez toujours quelque chose. Même (surtout ?) dans le loupé.

Affiner, lisser et donner du style

Une fois votre forme définie, vous pouvez affiner le bord (le « col ») du bol en le resserrant légèrement et en le lissant avec une éponge ou une estèque.

C’est aussi le moment de jouer un peu : évasé, droit, incurvé, chaque bol a sa personnalité. Vous voulez un modèle plus rustique ? Laissez des traces de doigts visibles. Une finition plus élégante ? Lissez parfaitement et ajustez la forme au millimètre.

À l’atelier, j’ai vu un élève frustré par son bol un peu bancal me dire : « en fait, on dirait un bol de soupe « expressif », un comme on trouve au Japon ». Parfois, l’imperfection donne un supplément d’âme inattendu.

Le tournassage pour une finition parfaite

Après un ou deux jours de séchage sous plastique (la pièce doit être en consistance « cuir dur »), vient l’étape que beaucoup redoutent… mais que d’autres adorent : le tournassage.

Cela consiste à retourner votre bol sur le tour, centré à l’envers sur une « galette de centrage », pour venir creuser l’extérieur de la base et lui donner une finition propre (pied, signature, etc.).

On utilise souvent des outils plus effilés comme les mirettes pour retirer de la matière. Cette étape permet aussi d’affiner le poids (personne ne veut manger un potage dans une enclume, n’est-ce pas ?).

Une belle base tournée ajoute un raffinement réel… mais attention à ne pas creuser trop profond. Percez le fond, et c’est retour à la case argile molle.

La cuisson et l’émaillage : donner vie à l’argile

Une fois votre pièce bien sèche (prévoyez une bonne semaine dans une pièce aérée), elle est prête pour sa première cuisson : le biscuit. Cette cuisson, autour de 980°C, donne à l’argile sa solidité de base.

Ensuite, vient l’émaillage. Là aussi, le champ des possibles est infini. Transparent, mat, brillant, coloré… Certains aiment les effets minéraux, d’autres préfèrent des couleurs neutres et douces. Pensez à assortir style et usage : évitez les émaux très craquelés pour des pièces alimentaires, par exemple.

Enfin, la deuxième cuisson (dite de glaçure) viendra vitrifier le tout et révéler les couleurs. C’est souvent une surprise, presque une séance de Noël : le four s’ouvre et c’est la magie qui opère.

Poursuivre l’aventure… ou pas

Vous avez façonné votre premier bol ? Bravo. Que vous soyez conquis·e ou un peu frustré·e, vous avez franchi une porte. Le tournage, comme la plupart des savoir-faire artisanaux, est un chemin plus qu’une destination. Chaque pièce est le fruit d’un dialogue entre la terre, vos mains… et votre humeur du jour.

Peut-être que vous aurez envie de continuer, de tourner de plus grands formats, de tester d’autres terres, de mélanger l’utile et l’artistique. Ou peut-être que ce bol, posé sur une étagère, sera simplement le rappel d’un moment suspendu — celui où vous avez décidé de ralentir et d’apprendre avec la matière.

Et si un jour vous en aviez assez des bols ? Il y a encore le modelage, le colombin, les engobes, la sculpture, la terre sigillée… Promis, l’argile a toujours une surprise dans son sac.